
CLÉO DE 5 À 7
UNE BALADE DANS PARIS À TRAVERS LE REGARD D'UNE FEMME QUI RENAÎT
Cléo de 5 à 7 est un film des années 60, un film qui symbolise la Nouvelle Vague par son actualité et sa finesse, un film fait sans limites, avec liberté. Ce film a connu un énorme succès à l'époque, mais il est aujourd'hui mis de côté, ce qui est assez décevant vu la qualité des plans, de l'histoire et de la bande son réalisée par Michel Legrand. Le temps de Cléo est le temps du film, de 17 h à 19 h, de 5 à 7. La voyante lui prédit son avenir, mais elle découvre son présent, la possibilité de mourir la fait renaître, elle découvre sa réalité. Cléo de 5 à 7 est basé sur plusieurs axes, mais l'un des plus intéressants est le passage de la poupée superficielle à la réalité.
Le film est basé sur le regard et la pensée interne de Cléo, que l’on puisse la voir ou non, qu’elle soit l’entête du chapitre ou non, elle est là et sa présence nous marque. Cléo elle se remet en question dans les reflets de miroirs qui sont omniprésents. Le miroir est symbole de connaissance du monde, d’introspection, il est une métaphore de la peinture qui est la représentation de la réalité, Cléo fait face à sa réalité à chaque moment où elle se regarde dans le miroir. L’image du miroir cassé représente alors la fracture de l’identité, de la vision de soi-même et cette perte identitaire est illustrée lorsque Cléo rentre dans le café, lorsque l’on peut voir son reflet dans les miroirs, son reflet uniforme qui ne permet pas de distinguer le vrai du faux. La perception de son monde, de sa réalité est intégralement remise en question par la maladie, son rapport à l’autre est aussi entièrement changé. Cléo se métamorphose, l’annonce de sa mort la fait renaître et elle passe de femme poupée en une femme qui fait attention à ce qui l’entoure. À partir de la fracture du monde de Cléo, la suite de son parcours n’est que basé sur la réalité, sur les autres, elle va se mettre à s’intéresser aux choses qui l’entourent, chose qu’elle ne faisait pas avant. Elle est entourée de regard et de discussion qu’elle décide d’écouter, les paroles des personnes qui l’entoure devienne importante, elle remarque les autres. Lorsque Cléo descend les escaliers pour entamer sa marche dans Paris, toute seule, sans protection, elle revient parmi nous, elle gagne l’empathie du public car elle revient vers le monde. Elle se met à regarder les gens ordinaires, elle les rend extraordinaire. Tout est filmé, les dix marches qu’elle descend, tout les pas qu’elle fait dans la cour. C’est le passage de la coquetterie à quelque chose de plus réel, elle dans la rue, elle avec les choses qui l’entourent. Elle ne se supporte plus, cette poupée de beauté n’est plus ce qu’elle veut voir. Tous ses trajets ne sont pas ordinaires, ils sont importants, chaque détail montre ce qu’elle est. Ce changement est marqué par deux éléments, sa robe noire, la couleur du deuil, le deuil de son ancienne version d’elle-même et l’instrumental de la chanson “ Sans toi “ qui la suit lorsqu’elle sort de chez elle, cette chanson qui a déclenché son envie de nouveauté, cette renaissance. Lorsque Cléo fait fuir les piégeons, cela appuie sur son ouverture au monde, la musique s’arrête, elle se sépare de son image d’avant. Ce film est basé sur la découverte de soi-même et du monde qui l'entoure, Cléo se découvre elle-même, en se détachant de sa version de poupée, en se détachant des miroirs et en se focalisant sur le reflet des autres et non le sien. Elle sort de cette image superficielle et regarde le monde évolué, elle ne se focalise plus non plus sur les petits détails de sa vie, elle fait jouer la chanson qu’elle ne pouvait pas écouter dans le taxi, elle prend du recul. Cléo de 5 à 7 c’est la découverte de soi-même à travers un fin proche et l’extrait illustre bien cette découverte d’une réalité plus juste ou le monde ne tourne pas autour de Cléo.
Cléo de 5 à 7 est une belle représentation des années 60 et de l'angoisse de la maladie et de la guerre d'Algérie. À mon avis, il mérite le succès qu'il a eu à son époque grâce à sa simplicité des plans, sa douceur et la beauté des musiques de Michel Legrand. Je trouve ça dommage que ce succès ne l'ai pas emmené à être applaudis comme il le mérite aujourd'hui.
Othilie Jourde Ledoux